Pierre Weber : Artisan d’art joaillier
Cachée dans un quartier pavillonnaire de Blois, la maison de Pierre Weber pourrait presque passer inaperçue. Si ce n’est cette petite plaque dorée accrochée à l’entrée pour vous indiquer le chemin vers son atelier. C’est ici qu’il y a encore quelques années dans ce sous-sol, une quinzaine d’employés s’activaient, alors que son épouse l’attendait pour qu’il la rejoigne le soir à l’étage. Mais le temps à tout emporté. En ce début d’automne, Pierre Weber, 76 ans, est maintenant seul dans sa maison. La musique classique empêche probablement le silence d’être trop pesant. Il continue désormais d’exercer son métier chaque jour sourire aux lèvres avec pour seule compagne à ses côtés : sa passion.
A la fois créateur de bijoux, expert judiciaire, réparateur, gemmologue, cet artisan d’art en joaillerie dont la réputation n’est plus à faire, ne compte toujours pas s’arrêter là :
« Ma dernière folie ? C’est une bague avec une pierre assez incroyable : une météorite ! » témoigne celui à qui il a été confié de créer une reproduction de la bague Renaissance pour le Château de Chambord.
Fils de bijoutier, il a 15 ans lorsque son père lui propose de rejoindre son atelier près du Cirque d’hiver à Paris. « Ce n’est pas parce que j’étais doué ! C’est plutôt que je ne faisais rien à l’école et qu’il fallait bien faire quelque chose de moi » raconte t-il d’un air amusé. Grâce à une formation rigoureuse, il saisit l’opportunité de réaliser son apprentissage dans les ateliers de la célèbre maison Chaumet place Vendôme. Cette fois-ci c’est sûr, les dés sont jetés. Il fera le tour de tous les plus grands ateliers de Paris pour apprendre unes à unes toutes leurs spécificités.
« Je me souviens de ce jour où un diadème incroyable est arrivé à l’atelier. On m’a dit : prends-le entre les mains et tu t’en souviendras toute ta vie. C’était celui porté par Joséphine de Beauharnais lors du sacre de Napoléon Ier. Les rubis étaient faits pour être vus de loin ! Ils avaient raison, j’en parle encore aujourd’hui. »
Pierre Weber apprend aussi à travailler les bracelets de montres, ce qui lui vaudra de fabriquer la pièce la plus chère du monde. « Un travail de dingue ! Je l’ai d’ailleurs retrouvée il y a une dizaine d’années lors de la vente aux enchères des bijoux de Liz Taylor ! » Méticuleux, patient et créatif, à 25 ans il travaille pour Tiffany & Co, Boucheron et livre jusqu’en Amérique du sud.
« C’était vraiment intéressant parce qu’on faisait tout ce que les américains ne savaient pas faire. Nous avions le savoir-faire ! Des bracelets avec de l’émail, des corbeilles en pierre dures… Les boucles d’oreilles de Jackie Kennedy ont été réalisées dans nos ateliers ! »
Comment ce jeune garçon que certains voyaient sans avenir a t’il alors pu se hisser si haut et si vite ? Grâce à son travail bien-sûr, mais il évoque aussi l’hérédité. « C’est un atavisme ! Ce sont les gênes. Mon grand père et mon arrière grand-père paternels étaient de grands photographes. Du côté de ma mère, il y avait un sculpteur et un bronzier d’art ! » Et quand il décide de quitter Paris pour s’installer en famille dans le Loire et Chair, Pierre Weber démarre avec un petit établi au milieu de son appartement et crée sa propre entreprise. « Au début personne ne me connaissais dans la région donc je faisais des petites réparations de bijoux. Je peux vous dire que je suis tombé de haut ! » Au fil des années, son professionnalisme lui permet d’évoluer comme il en a déjà pris l’habitude.
« Quand mon épouse et moi nous avons fait construire cette maison, ça a été le début d’une autre aventure incroyable. Tout le sous-sol était occupé par les employés de l’atelier ! On travaillait pour les bijoutiers et pour les antiquaires. En parallèle de ça, mon savoir-faire m’a permis d’aller chercher une clientèle un peu particulière, désireuse de bijoux qui sortent de l’ordinaire. » Aujourd’hui Pierre Weber continue d’exercer avec le même enthousiasme même s’il regrette que son métier se soit en partie informatisé.
« Désormais la plupart de mes confrères donnent toutes les informations à un ordinateur et lance la fonte ! Pour exercer le métier de joailler comme je l’entends, il faut la main de l’homme. Sinon, la transmission d’un savoir-faire de haut niveau ne sera pas faite. »
Des moments difficiles où il a du licencier lorsque ses clients fermaient boutiques et que le travail venait à manquer, il retient la transmission plutôt que la déception. Dix huit joailliers en contrat d’apprentissage formés ici auprès de lui. Et surtout cette rencontre avec un jeune vietnamien à qui il a donné sa chance. « Aujourd’hui c’est lui qui a repris mon affaire car je suis trop vieux pour avoir le train de vie d’une grande entreprise. Quand il est arrivé chez moi il ne connaissait presque rien et ne parlait pas le français. Aujourd’hui, il est artisan d’art lui aussi, travaille à son compte et il a formé ses deux fils qui travaillent pour la maison Cartier ! » raconte t’il avec humilité. Que pourrait-il rester sur son parcours que ce chevalier de la légion d’honneur n’ait pas encore fait à 76 ans ? « Ce qui me passionne c’est la difficulté, mais surtout le prochain projet que j’entamerai ! »
Le conseil de Pierre Weber pour les jeunes artisans :
« Etre artisan d’art c’est se remettre en question tous les jours. Restons modestes. Nous ne serons toujours que des apprentis face au travail de nos grands anciens ! «
Texte & photographies : Jessica Lia @jessicalia.studio