Menuisier pour un Palace parisien
Pénétrer dans le sous-sol d’un hôtel 5 étoiles, c’est entrer dans une véritable ville souterraine. Je n’aurai jamais imaginé traverser autant de couloirs, croiser autant de personnes au travail ! Cuisiniers, électriciens, plombiers, frigoristes! (Oui oui, le mini bar aussi ça s’entretient!) Chaque jour, des dizaines de corps de métiers font équipe au prestigieux Plaza Athenée Paris. Des hommes de l’ombre taillés sur mesure pour répondre au savoir-faire d’excellence que demande le service d’un Palace. J’ai pu rencontrer l’un d’entre eux: Arnaud Carpentier. A seulement 32 ans, ce menuisier vernisseur veille chaque jour sur le mobilier des plus belles suites de l’hôtel. A la fois réservé et d’une rigueur poussée à l’extrême, il m’a ouvert les portes de son atelier avec gentillesse pour me parler de sa mission au sein de l’hôtel et de son parcours unique!
# Arnaud, quel est votre rôle au sein du Plaza Athenée ?
Je suis menuisier vernisseur. C’est à dire que je restaure les meubles. Je m’occupe aussi de les revernir. J’interviens aussi dans les dressings si besoin. Chaque matin, les gouvernantes sont chargées de vérifier les chambres et de me prévenir si elles remarquent la moindre imperfection. Il y a un véritable protocole de contrôle ! Tous les corps de métiers défilent dans les chambres. Les 2 autres menuisiers et moi, nous vérifions l’état des portes, des poignées, du mobilier… Rien n’est laissé au hasard !
# Quel genre de dégradation peut-on avoir dans une chambre d’hôtel?
Une multitude ! Il y a une très grande activité dans ces pièces. Les meubles se prennent des coups de bagages, des coups d’aspirateur. Avec plus de 120 chambres et suites, on ne chôme pas !
Mais le plus gros problème c’est l’eau. Le bois et le vernis n’aiment vraiment pas l’eau ! L’alcool c’est pire ! Le champagne et le vin tachent les moquettes bien sûr, mais ils abiment aussi les meubles. Parfois on arrive à retoucher la surface. J’essaie d’atténuer l’imperfection, de la corriger et si ce n’est pas possible je décape tout et je reteinte.
# Qu’est-ce qui vous plait aujourd’hui dans votre métier ?
Ce qui me plait, c’est de devoir utiliser tout mon savoir-faire et toutes mes compétences. Quand l’hôtel est plein, que les clients se suivent les uns après les autres… Nous n’avons pas 2 heures pour intervenir. Je suis obligé d’adapter mes méthodes de travail par rapport au temps qui m’est imparti et au type de meuble que j’ai en face de moi.
Nous avons un standing à maintenir. Il faut savoir faire les choses parfaitement dans les règles de l’art. S’il y a des éclats de placage, il faut faire des greffes, des traitements de coloration… Parfois j’ai besoin de garder un meuble un mois à l’atelier. Heureusement, on a des doubles !!!
# D’où vous vient cette passion ?
Mon grand-père était ébéniste restaurateur de meuble. A 12 ans, je m’intéressais déjà à ce métier. Je voyais des expositions, je rendais visite à des antiquaires. Après le collège, j’ai décidé de faire un CAP d’ébéniste à Poissy.
# Quel est votre parcours ?
J’ai eu la chance d’intégrer l’Ecole Boulle (ndlr : prestigieuse école de design et de métiers d’art) pendant 4 ans pour préparer mon diplôme avec une spécialité « marqueteur », c’est-à-dire la conception de décors en plaquage sur les meubles.
J’ai fait un aparté un an dans une école de design à Reims mais j’étais trop éloigné de la matière, j’ai tout de suite arrêté. Et puis, retour à l’Ecole Boulle pour une formation de restaurateur de mobilier!
# Est-ce que vous avez vite trouvé un employeur ?
Non ! Ca a été difficile ! Il a fallu apprivoiser la réalité économique des entreprises. J’avais une faiblesse au niveau de mon employabilité. Je savais faire de belles choses de mes mains. Mais j’étais plus un artiste que quelqu’un de rentable ! Je suis donc allé taper aux portes des boites d’intérim et j’ai fait ça pendant un an. C’était à l’opposé de mon fonctionnement mais j’ai beaucoup appris. Ensuite j’ai partagé mon temps pendant 3 ans entre le métier de paysagiste aux côtés de mon beau-père, et mon entreprise de menuiserie.
# Comment est-ce qu’on entre dans un Palace comme celui-ci ?
Ca a été une opportunité. Quand j’ai vu l’annonce, ils recherchaient toutes les compétences que j’avais accumulées jusqu’ici : la restauration de mobilier, le vernissage traditionnel, la menuiserie, l’autonomie… J’ai trouvé l’entreprise qui était adaptée à ce que je recherchais. Ici, on est autonome mais on travaille en équipe. Parfois on discute, on s’entraide…
# Une anecdote ?
L’expérience la plus folle que j’ai eue, c’était de réaliser une maquette d’architecture en bois. Une cliente l’avait vu en visitant une exposition parisienne. J’ai passé une dizaine d’heures à lui faire pour qu’elle reparte avec ce souvenir. C’est un peu le service d’un Palace, proposer des choses personnalisées !