Jean-Marc Jourquin : facteur de hautbois
De sa vie « d’avant » il dit ne se souvenir de rien. Avant d’être pris de cette passion qui peut vous tenir 40 années assis dans le même atelier. Celui de la maison Marigaux Paris, fabricant de hautbois.
Jean-Marc est chargé de les réparer ou de s’assurer de l’entretien d’une mécanique plutôt complexe. Chaque mois, il voit donc passer entre ses mains des dizaines d’instruments qui rejoindront pour certains les plus belles scènes au monde.
« Ce qui me rend heureux, c’est de réussir à répondre à la demande d’un musicien quand il a un souci. Il n’y a rien de plus beau que de le voir repartir confiant avec son instrument de musique pour le concert du soir ! » affirme-t-il avec une modestie certaine.
Amoureux de son métier, patient, méticuleux jusqu’à l’excès, Jean-Marc fait partie de ceux qui trouvent aussi leur bonheur dans celui qu’ils apportent aux autres.
« Je suis passionné, j’aime les gestes qu’on doit réaliser lentement, et ce métier colle parfaitement à ma personnalité plutôt calme. Mais il y a aussi une dimension humaine. Il faut aimer le contact avec les gens. Nouer des liens avec les musiciens, instaurer une relation de confiance. J’adore aller les écouter jouer aussi ! »
Une immense passion découverte pourtant par hasard. Personne n’aurait pu prédire que cet étudiant en commerce agricole opérerait un virage à 360 degrés à l’aube de ses 22 ans. « J’avais de l’intérêt pour les métiers manuels, mais je ne savais pas comment ça pouvait se concrétiser. » Et puis vient cette journée qu’il n’a jamais oubliée. Lors d’un week-end oenologique en Anjou, un ami lui parle de son métier et de la maison Marigaux. « Ils embauchaient à l’époque ! Je suis donc entré comme apprenti, et j’ai fabriqué des clés pendant une année dans l’usine située dans l’Eure. Ensuite mon patron m’a proposé ce poste à Paris. J’ai tout appris en regardant les autres travailler. » Jour après jour il se découvre une passion grandissante. A 24 ans il est désormais facteur de hautbois et rien ne lui fera plus jamais changer de chemin.
« J’ai l’impression d’avoir rencontré le métier qu’il me fallait. J’ai eu beaucoup de chance ! Peut être que j’ai su la saisir aussi… »
Des plus beaux moments de sa carrière, il retient les voyages pour faire des réparations en Europe, en Asie, en Amérique du sud et même au Kazakhstan ! « Mon métier m’a fait voyager partout dans le monde. Généralement je prends l’avion avec ma caisse à outils, je m’installe sur une table à l’arrivée pour un, deux ou trois jours. » C’est comme ça qu’il redonne vie comme par magie à des hautbois qui n’attendaient que lui. Aux musiciens aussi ! « Mon plus grand bonheur ? Quand je vais dans ces pays moins développés que le nôtre et que je réussie à faire marcher des instruments. Je passe presque pour un sauveur, c’est vraiment gratifiant ! »
Aujourd’hui quarante années se sont déjà écoulées. « Je ne les ai pas vu passer ! Je suis à un âge qui peut commencer à faire réfléchir ! Il n’est pas facile de trouver des gens qui plongent dans ce métier. Il n’y a pas d’école. On ne recrute pas souvent quand même ! » Un jour sonnera l’heure de la retraite. En attendant il transmet tout son savoir-faire dans l’atelier qu’il n’est pas encore prêt à quitter.
« J’ai 62 ans ! Mais personne ne me pousse dehors. Surtout pas les musiciens! On s’entend à merveille. Cette passion m’a tenu toute une vie alors je ne suis pas pressé de partir ! »
« La partie technique s’acquière sans problème en travaillant dur. Mais ce qu’il faut par dessus tout, c’est l’envie d’entrer dans une famille. Pour moi ce fut celle des musiciens ! »
Texte & photographies : Jessica Lia @jessicalia.studio