François Munoz: vernisseur-doreur pour Maison Taillardat
Si l’on devait confier la définition de « l’amour du beau » à quelqu’un, François Munoz pourrait très certainement trouver les mots justes. Car c’est cette passion qui l’a tenu 48 ans à exercer le même métier : vernisseur doreur pour les maisons de confection de mobilier de luxe. Et après toutes ces années, il éprouve toujours le même bonheur à se retrouver face à un meuble en bois brut qu’il va devoir mettre en couleur et protéger. Souvent aussi, il doit y déposer délicatement de la feuille d’or grâce à un savoir-faire exceptionnel de précision. « Et de patience aussi ! Les gens ne savent pas que 70% de mon temps est consacré au ponçage. Le meuble doit être absolument parfait avant que je puisse y ajouter quoi que ce soit ! »
Des armoires, des assises aux plus belles tables de réception, ses créations sont destinées au plus beaux palaces parisiens tels que le Bristol, Le Georges V ou le Ritz ! A l’international aussi, tant l’excellence française en la matière est appréciée.
« Ce sont des pièces exceptionnelles comme il n’en n’existe nulle part ailleurs ! J’ai une chance incroyable de pouvoir toucher de belles choses. Certaines créations sont phénoménales !»
Jeune espagnol immigré à Orléans durant son enfance, c’est à 16 ans qu’il découvre son métier grâce à son frère qui travaille à l’époque pour Maillefert-Amos, une maison spécialisée dans les meubles de haute facture. « J’y suis allé parce qu’il y avait du travail. Au début je faisais des toutes petites pièces et puis elles ont commencé à grandir avec le temps et l’expérience. » Sa patience et son perfectionnisme se développent au fil des jours auprès d’un ancien prêt à tout lui transmettre.
« J’ai eu la chance d’apprendre mon métier aux côtés d’un géni ! Il était très rigoureux si bien que j’ai du décaper 10 fois mon premier meuble. Il disait toujours : c’est bien ! Mais tu peux faire mieux. C’est lui qui m’a donné le goût de l’excellence ! »
Pendant vingt années, il va alors vibrer au fil des commandes et aiguiser ses connaissances en apprenant à pousser les finitions aussi loin qu’il le peut. Il vivra aussi des expériences hors normes. Comme ce chantier à Southampton où il a du meubler le bateau du roi d’Arabie. « C’était un yacht de 120 mètres de long qu’il offrait à son fils de 13 ans. Un véritable palais flottant ! Vingt et unes cabines à meubler et il nous avait demandé toutes les poignets en or ! » Des souvenirs impérissables pour ce chef d’œuvre réalisé. « Le dernier jour le propriétaire du bateau a offert à tous les artisans d’art qui avaient travaillé à bord une sortie en mer. Un moment inoubliable ! »
Et puis vient la fin d’une époque lorsque l’entreprise finit par mettre la clé sous la porte. A 36 ans, François Munoz se retrouve sans travail pour la première fois de sa vie. C’est pour lui l’occasion de lancer son affaire. « Pendant un an et demi nous avons travaillé à notre compte mon frère et moi et nous avions de très bonnes relations avec nos clients. »
Si bien qu’un jour, madame Taillardat lui propose de rejoindre la maison familiale. Spécialisée dans la fabrication de mobilier du XVIIIe siècle, l’entreprise est réputée pour travailler selon la grande tradition française du meuble d’art. En faisant ce choix il s’assure aussi de continuer à évoluer dans un milieu artisanal. Son plus grand plaisir ? Etre présent lors des livraisons dans les palaces. Paris, Moscou, New-York, Madrid… il ne compte plus ses escapades loin d’Orléans.
« Voir un meuble à l’atelier c’est sympa, mais l’admirer lorsqu’il est mis en place dans son environnement c’est un pur bonheur ! Quand vous l’observer vous avez devant vous toute la définition de l’art de vivre à la française. »
A 64 ans, François Munoz commence tout doucement à penser à sa retraite. « Ce sera peut-être dans 1 an. C’est encore un peu difficile pour moi d’y penser. Je n’ai vraiment pas vu passer toutes ces années ! Je n’ai pas l’impression de travailler, ce n’est que du plaisir ! » Aujourd’hui il continue de transmettre son métier au sein de l’atelier qui a quintuplé d’effectif depuis son arrivée.
« La relève est belle ! » affirme t’il avec un entrain et un positivisme certain. « La première chose que je dis toujours aux jeunes qui arrivent c’est qu’il doivent être passionnés. On ne peut pas vernir un meuble si on n’aime pas les belles choses. Ce sont des pièces exceptionnelles ! » Même s’il craint que son savoir-faire soit amené à disparaître d’ici quelques années, il ne partira pas sans donner les clés aux plus réceptifs. « Je continue car pour l’instant ils me disent qu’ils ont encore besoin de moi. C’est tellement bon de l’entendre ! »
« Quand on travaille dans l’univers du luxe, il faut être passionné bien-sûr. Mais ce qui fait la différence, c’est la persévérance. »
Texte & Photos : Jessica LIA
Cette découverte vous a plu ? D’autres très beaux parcours sont à découvrir dans notre série intitulée « Quand nos plus anciens artisans nous livrent leurs mémoires »