Hélène Pierucci : de la finance à la maroquinerie
Traverser son jardin pour aller travailler, je n’y avais jamais pensé ! Et pourtant c’est bien là qu’Hélène, 50 ans, a installé son atelier pour y démarrer une seconde carrière professionnelle. Il y a quelques mois, je suis allée lui rendre visite en banlieue parisienne. Avec beaucoup d’humilité, elle m’a confié pourquoi elle avait décidé il y a 4 ans de quitter son travail de cadre pour rejoindre l’artisanat. Aujourd’hui elle a créé sa propre marque : Po ! Artisan maroquinier. Un atelier de création, de fabrication et de restauration pour les particuliers et les professionnels. Rencontre avec une femme aussi attachante que déterminée.
# Hélène, pourquoi avoir changé de profession ?
J’avais fait le tour de mon métier ! Un jour, je me suis dit que je n’aurai pas fait grand chose de ma vie à part des tableaux de bord. Ca faisait déjà un bout de temps que j’y pensais mais les conditions n’étaient pas favorables. Une reconversion quand on a des enfants en bas âges, c’est extrêmement difficile. Et puis il y a des moments ou ça marche, les planètes sont alignées !
# Comment vous-êtes vous formée ?
J’avais vraiment envie de faire quelque chose de sérieux donc j’ai opté pour le retour aux études en choisissant le lycée professionnel à Paris. J’ai fait des stages pour tester le luxe et de gros ateliers. On m’a fait comprendre que ce serait difficile avec mon CV d’être embauchée. Ca m’arrangeait de les croire comme ça j’avais une bonne raison de me lancer seule !
Quand l’aventure démarre, il ne vaut mieux pas s’arrêter. Si on écoute les autres on ne fait rien !
# Est-ce facile d’intégrer le monde de la maroquinerie ?
Quand on y pénètre les gens sont accueillants. Mais c’est un monde qui est petit. Il faut y aller avec humilité, modestie, et avoir envie de travailler. C’est un métier de bosseurs ! On ne peut pas y être en dilettante. Il faut s’accrocher.
# Qu’est ce qui vous plait aujourd’hui dans votre métier ?
Le cuir ! Il a une vertu incroyable. Il sollicite tous vos sens. La vue, l’odorat, l’ouïe. C’est extrêmement bruyant avec les marteaux puis on enchaîne avec le silence. Il y a une part de créativité aussi qui est infinie. Vous avez un rêve absolu ? Un sac orange avec des poignées vertes, avec pleins de poches à l’intérieur. Je peux vous le faire ! Je crée mes propres produits : des sacs à main, des ceintures, des petites pochettes, des bracelets de montre. J’adore les choses très fonctionnelles. Dernier exemple. Ma fille voulait une pochette pour mettre de l’argent, sa carte bleue et son portable lorsqu’elle va en discothèque. Je lui en ai créé une qui entre dans la poche de son jean !
# Quelle qualité faut-il avoir pour être maroquinière?
Il faut éminemment être précis, soigneux. Etre dotée de patience. Il faut aussi aimer bricoler ! Tout n’existe pas pour fabriquer ce qu’on souhaite. Parfois il faut penser à des cales en carton, des astuces… Et puis la main ne travaille que par la tête !
# Quel regard portez-vous sur votre reconversion ?
L’étonnement d’abord! Parfois j’arrive ici, je rentre dans l’atelier et je me dis. « C’est complétement dingue cette histoire ! » Les autres ont encore ce regard aussi. Certains sont même dans le déni. Ils n’ont pas encore intégré. Tout le monde dans sa vie devrait repartir en formation pendant un an pour tout remettre à zéro. Ca vous donne une bonne leçon d’humilité.
Je me préfère maintenant qu’avant. J’étais arrivée au top de ma carrière remplie de certitudes. Je suis mieux avec mes doutes !
Ca c’est extrêmement bon ! Je vis ça comme un progrès personnel.
Textes : Jessica Lia – Photographies : Alexis Chaillous