Nicolas Pinon : L’as de la laque japonaise
Nicolas, qui es-tu ?
Je m’appelle Nicolas Pinon, j’ai 37 ans. J’ai obtenu mon diplôme des Métiers d’Art à l’école Boulle en ébénisterie. J’aimais bien les choses délicates, précieuses. Je suis tombé amoureux de la marqueterie. Je voulais continuer une formation en ce sens mais il n’y avait plus de place pour cette section. Comme il restait de la place pour apprendre le vernis, je me suis dis : « Pourquoi pas ! »
Mais tu es en train de me dire que tu es arrivé là par hasard ?
Complétement ! Durant cette année dans l’atelier de décors et de traitement, j’ai appris le vernis au tampon sur des meubles anciens, le vernis à l’alcool ou encore au pistolet… Et puis un jour une dame espagnole est venue faire une conférence sur la laque japonaise et je suis tombé amoureux de la pratique. Direction Barcelone donc pour une expérience de 3 mois entre mes études et une entreprise spécialisée. Je ne parlais même pas la langue mais j’étais super motivé !
« Avec la laque japonaise, j’ai retrouvé la minutie et la délicatesse qui me plaisaient tant. »
Mais ce n’est pas un peu étrange d’apprendre une technique japonaise en Espagne ?
Si ! J’ai appris les bases en Espagne mais je savais déjà qu’une bonne formation ne pouvait se faire qu’au Japon. Je suis donc rentré à Paris, j’ai trouvé un travail dans un atelier de restauration et j’ai commencé à économiser.
Quand j’ai pu enfin partir, j’ai envoyé beaucoup de courriers pour savoir qui pouvait me recevoir. Ce n’était pas évident car les japonais sont beaucoup plus réservés que nous. Je me suis donc mis à apprendre la langue ! Et puis j’ai eu la chance de rencontrer un maître reconnu qui a bien voulu me transmettre son savoir-faire.
Je savais que je pouvais rester 90 jours avec mon VISA touriste, donc je me suis lancé à ses côtés pour 3 mois. J’ai travaillé dur, 6 jours par semaine. Il fallait que j’apprenne les mélanges, l’application, tout !
Comment s’est passé le retour à Paris ?
Je suis vite redescendu de mon nuage parce que les gens ne comprenaient pas la matière.
« J’ai un savoir-faire très particulier. Je suis laqueur spécialisé en laque végétale. La résine que j’utilise est issue de la sève d’un arbre. Il n’y a aucune chimie ! »
C’est utilisé depuis des milliers d’années en Asie. La sève de l’arbre a des qualités de dureté et de résistance incroyable. Tout mon matériel vient donc du Japon.
« La conservation des savoir-faire est tellement importante. Je n’ai pas envie que les derniers artisans finissent dans une vitrine ! »
Bien-sûr qu’il faut évoluer avec son temps. Mais gardons aussi les savoir-faire anciens. Ils ne doivent pas disparaître.
« Aujourd’hui je me vois comme un ambassadeur de la technique. On doit être moins de 5 en France à l’utiliser quotidiennement. »
Tu as donc lancé ta propre entreprise ?
Oui ! Il y a quelques années j’avais entendu parler d’un certain « Monsieur Lee » qui voulait partir à la retraite et qui cherchait un repreneur. C’était parfait ! J’avais envie de lancer un atelier dédié uniquement à la pratique de la laque végétale à Paris.
Lui était installé depuis 1964. Il est resté 53 ans ici ! Pour la petite histoire quand je l’ai rencontré il avait 83 ans et il travaillait avec sa femme. A partir du moment où je l’ai rencontré je suis allé le voir tous les mois. Il voulait attendre encore 1 petite année et j’ai patienté.Le problème c’est que ça a duré 2 ans et il a fini par me signer une promesse de vente… à un an ! Donc il fallait encore attendre. Mais je voulais cet atelier !
En juillet 2017, je me suis donc installé ici en plein centre de Paris et j’ai tout rénové !
Quels genres de demandes reçois-tu ?
Les gens m’appellent lorsqu’ils souhaitent laquer une table, un bijou, un bracelet… Je travaille aussi pour des bijoutiers et des antiquaires. Ils savent que j’ai une technique particulière et c’est ce qu’ils apprécient.
« La pièce la plus folle que j’ai du laquer ? Un canapé.
450 heures de travail ! »
N’hésitez pas à aller vous aussi visiter l’atelier de Nicolas Pinon ce week-end dans le cadre des Journées européennes des Métiers d’art qui se termineront dimanche 6 avril 2019.
Nicolas Pinon Laqueur : 33 rue de Montreuil, Paris 11
Reportage réalisé en collaboration avec L’INMA, Institut National des Métiers d’Art.
Texte et Photographies: Jessica Lia @thefrenchmakers