L’incroyable parcours de Paulette à bicyclette
S’il y a bien une question que je ne m’étais jamais posée c’est : d’où vient l’or de mes bijoux ? Pas vous ? Alors quand on m’a proposé de rencontrer Hélène Grassin, joaillère spécialisée en bijoux éthiques Made in France, je vous avoue que cela a titillé ma curiosité. Vous saviez qu’il est possible d’acheter une bague fabriquée en France (ça oui!) mais surtout d’être sûr que son or ne provient pas du travail d’enfant ou de conditions humaines misérables ? Coup double ! En plus d’une superbe sensibilisation sur le sujet, j’ai eu la chance de recueillir un très beau témoignage de reconversion réussie. Ancienne professeure de français en Jordanie, elle a posé ses valises à Paris il y a 10 ans. « Je sortais de nulle part ! » me confie-t-elle. Aujourd’hui, son passe temps favori s’est transformé en une entreprise prospère. Rencontre avec une entrepreneuse engagée et inspirante !
– Comment est-ce qu’une professeure de français devient joaillère?
J’ai toujours été créative. Je fabriquais des bijoux après mes heures de travail. Et puis un jour je me suis dit que je ne voulais plus faire seulement ça une fois que j’avais corrigé mes copies. Après mon retour en France, je commence à proposer mes bijoux sur un blog et ça marche ! Du coup je décide de me former au travail du métal et à la joaillerie.
– D’où vous vient cette idée d’utiliser uniquement de l’or équitable?
On sait que les conditions dans lesquelles travaillent les mineurs en Afrique du sud sont inadmissibles. J’étais aussi sensible à la question du travail des enfants et les conséquences dramatiques de l’extraction sur l’environnement. Il était hors de question pour moi d’y participer de prêt ou de loin. C’était viscéral. Je voulais être fière de mon travail. Pour cela il me fallait trouver de l’or dont je connaisse la provenance. J’ai démarré avec de l’or recyclé.
« Mais si on veut vraiment changer le monde, c’est sur l’or équitable qu’il est important de se positionner ! »
En 2010, il fallait être complétement zinzin ! Le processus de traçabilité complet, c’est une aventure ! J’ai alors fait une superbe découverte: l’or équitable Fairmined.
– C’est quoi un bijou éthique au juste ?
En choisissant l’or Fairmined, vous avez la certitude que votre bijou à été fait dans le respect les droits humains et l’environnement. En l’achetant, vous vous assurez qu’aucun enfant n’a travaillé dans la mine où l’or a été extrait, où les hommes et les femmes ont un salaire égal et travaillent avec un équipement de protection. Les galeries sont aussi sécurisées, ventilées…
Nous achetons l’or 11% au dessus du prix du marché. Le jour où le cours de l’or descend, nous on ne descend pas car on s’est engagé sur un prix plancher.
Nous reversons une prime de 4000 euros par kilo d’or acheté. Elle est utilisée pour financer les écoles pour les enfants qui ne sont pas (plus) dans les mines, et construire des galeries de ventilation. Ainsi, nous sommes acteurs d’un changement.
– Qu’est ce que vous proposez comme bijou ?
Notre cœur de travail ce sont les alliances et les bagues de fiançailles. Mais pas que ! Ca peut être un bijou de naissance ou autre…
J’ai une affection toute particulière pour ma toute première paire d’alliances fabriquée ici. On a trois outils différents pour le réaliser, les facettes sont faites à la main pour un rendu martelé. Les clients adorent venir voir jusque dans les ateliers et être proche de la création.
– Qu’est ce qui vous motive chaque matin ?
Ce qui me fait aller de l’avant, c’est de savoir que j’ai un impact social très fort!
Voilà ce qui me fait dire que je suis au bon endroit et à la bonne place. Cet impact est facilement mesurable comme nous sommes en circuit court. Quand je vends une alliance de 5 grammes (750 euros), le client qui achète cette bague génère 3 semaines de salaire pour un minier et sa famille.
Honnêtement quand j’ai dit que j’allais utiliser de l’or équitable et fabriquer Made in France, on ne peut pas dire que cela ait soulevé un enthousiasme délirant dans mon entourage. Mais aujourd’hui je me couche tous les soirs avec cette satisfaction.
– Quelle genre de personne achète de l’or équitable ?
Le panel est vraiment très varié et c’est ce qu’on adore ici ! Des parisiens bien-sûr, mais pas que ! Ils viennent de toute la France, d’Europe, des Etats-Unis aussi ! Un bijou éthique avec un savoir-faire à la française, ça donne envie. Ils profitent de leur voyage en France pour commander leurs alliances et passer les prendre. On a eu il n’y a pas longtemps des acteurs de Broadway ! Ca peut être des agriculteurs aussi parfois. Vous voyez !
– Si vous deviez faire votre premier bilan, vous me diriez quoi ?
Le résultat a déjà dépassé mes espérances ! Je n’aurai jamais imaginé, quand je travaillais seule chez moi, et que j’avais à peine de quoi me payer des outils ou un établi de bijoutier…
Je n’aurai jamais imaginé qu’un jour on ferait plus d’un million de chiffre d’affaire et que j’emploierai plus de 15 personnes !
Ce qui est important pour moi c’est d’avoir une belle marque. Une entreprise où les gens sont heureux de travailler et moi aussi. Je suis plutôt sur une croissance organique. Je ne peux pas vous dire que dans 5 ans je veux avoir 25 boutiques dans le monde entier. Je n’ai jamais fait d’école de commerce. J’ai les idées d’une créatrice. Je ne vais pas me forcer à coup de levée de fond, d’investisseurs. J’aimerais quelque chose de durable.
– Hélène, il y a tout de même une question que tout le monde doit vous se poser. Pourquoi ce nom, « Paulette à bicyclette » ?
(rire) Oui ! Je dois vous dire que je n’avais pas très envie d’utiliser mon nom ni même de m’appeler « Gold Forever » ou « Love éternel ». J’avais envie d’un nom décalé et joyeux. Celui-ci est sorti à la fin d’un repas entre amis. Paulette est mon surnom et la bicyclette était mon moyen de locomotion favori ! C’est aussi un clin d’oeil à une célèbre chanson d’Yves Montand que j’aime écouter… « A bicyclette »!
Paulette à bicyclette : 13 rue Paul Bert, Paris 11 & Passage Thiaffait, Lyon 1 – www.paulette-a-bicyclette.com
Textes: Jessica Lia – Photographies: Alexis Chaillous