Embarquée avec les dameurs de nuit !

Il a des jours je me demande ce que je fais là. Non pas là « dans ce monde », là… ici… maintenant en reportage. J’ai pour habitude d’être super enthousiaste pour tout! Ce qui, comme ça sur le papier est plutôt une bonne chose. Sauf qu’il m’arrive de me mettre dans des situations auxquelles je n’avais pas pensé. Comme… En flippe totale face à une machine d’une tonne prête à embarquer en haute montagne alors qu’il vient de tomber 50 cm de neige ces trois derniers jours !!!!!
Lorsque l’Office du Tourisme de Val Thorens m’a proposé l’aventure j’ai tout naturellement répondu : « Oui, merci ! » C’était pour moi l’occasion de vous emmener en coulisse d’un métier peu connu. Et qui pourtant nécessite un véritable savoir-faire pour entretenir les pistes de la plus haute station d’Europe. Gilles Jay, le big boss me confirme qu’ici, on est pas là pour regarder les flocons tomber du ciel !
Ce mois-ci on devrait damer 6000 km de pistes. On a déjà fait 72000 km depuis le début de saison !
Bon bein, y a pas de temps à perdre alors ! C’est parti pout une réunion de 10 minutes montre en main! Il est 17h30: les pistes viennent de fermer. Une sorte de « plan d’action » est distribué. Tout à coup l’un d’entre eux s’exclame… « Ah non, moi j’ai pas envie de faire la Christine! » Sur le coup je ne comprends pas et puis quelqu’un se penche vers moi pour m’éclairer. « Ne vous inquiétez pas c’est le nom d’une piste ! »
Yves, un dameur chevronné se tourne vers moi tout sourire :
– Vous êtes de Paris?
– Oui! Je suis journaliste, je suis venue découvrir votre métier !
– Ah bon? Je connais bien Paris, j’y ai vécu. J’étais serveur à la Tour d’Argent à l’époque…
– Mais comment peut-on passer de la Tour d’Argent aux dameuses de Val-Thorens, Yves ???
– Ah vous savez, parfois… La vie !
Je sais qu’il a raison. Une petite nostalgie s’empare de moi, mais elle est immédiatement stoppée par son collègue qui l’interpelle. « Hey, Bocuse, on y va! » J’explose de rire! Allez, il est temps d’embarquer. Quand je vois les gaillards qui sont aux commandes, ma peur a déjà diminué d’un petit cran…
Ce soir, c’est avec Claude que je vais faire équipe. Ancien pisteur, il s’est reconverti il y a 2 ans. Il avoue que ce travail est beaucoup plus solitaire. Vu mon débit de parole pour masquer mon appréhension, je crois qu’il ne va pas se sentir seul pour une fois ! Il me rassure, l’engin avance à très faible allure, et la nuit nous procure un très grand avantage: la visibilité est très bonne avec les phares. Ok,ok… let’s go!
Dès les premières minutes, je suis agréablement surprise :
- Il a raison, ce n’est pas violent, on avance de façon méthodique (en faisant de grandes lignes) à 10km/heure!!! C’est même plaisant de casser toutes ces bosses qui me donnent du fil à retordre la journée.
- Moi qui me suis habillée comme un esquimau, je me rends compte qu’il fait presque 20 degrés à l’intérieur, j’enlève une couche de vêtements et je m’installe confortablement.
- Entre la radio et les écrans de contrôle high-tech, on n’est pas mal du tout!
Dans les montées, c’est presque une ballade de plaisance. Par contre, quand je me retrouve face à la descente sur une piste rouge, je m’accroche un peu à mon siège… et reprend à débiter comme lorsque je suis stressée.
– Alors dites-moi Claude, vous avez des anecdotes à me raconter?
– Oui une fois, mon engin est parti en luge et j’ai fait une sortie de piste !
– Hein??? Nan, laissez tomber les anecdotes Claude finalement !!!
Ce qui est amusant, c’est de voir les petites cabanes des remontées mécaniques au repos. Pas l’ombre d’une vie, pas un bruit sinon notre moteur qui ronronne.
Et puis finalement si ! On aperçoit deux skieurs en train de monter les pistes à peau de phoque juste pour le plaisir de s’offrir une petite randonnée nocturne et de dévaler ensuite la pente seuls sans personne. « C’est un peu dangereux, on essaie de faire très attention à eux! » me confie Claude.
Allez, après quelques heures passées ensemble, il est temps pour moi de rentrer me remettre de mes émotions. Je dois avouer que c’était loin d’être traumatisant et que j’ai beaucoup aimé l’expérience ! Claude me dépose juste devant mon hôtel comme une princesse.
Enfin, sacré carrosse quand même !!!
L’expérience en dameuse n’est pas encore ouverte au public. Mais de nombreuses stations sont en réflexion pour les saisons à venir car il existe assurément un bon nombre de vacanciers qui seraient émerveillés à l’idée d’embarquer pour cette aventure. A Val-Thorens, vous pouvez néanmoins vous inscrire au Club Val Tho et tenter votre chance pour gagner la même expérience que je viens de vous conter!